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LA SITUATION BUDGETAIRE DE LA FRANCE : UN EQUILIBRE FRAGILE A L'AUBE DE 2026

  • MS Patrimoine & Conseil
  • 12 nov.
  • 5 min de lecture
Carte de l'Europe concernant le déficit budgétaire des pays européens

La situation budgetaire de la France se trouve à un tournant. Alors que l’Union européenne s’efforce de stabiliser ses finances publiques après les années de crises successives, l’Hexagone s’enfonce dans une trajectoire budgétaire préoccupante. Avec un déficit public toujours supérieur à 5 % du PIB et une dette flirtant avec 116 %, la France figure parmi les mauvais élèves de la zone euro. Derrière ces chiffres, c’est toute la soutenabilité du modèle budgétaire français qui se joue.


Une dette qui franchit des seuils critiques


Au deuxième trimestre 2025, la dette publique au sens de Maastricht atteint 3 416 milliards d’euros, soit 115,6 % du PIB, en hausse de 70,9 milliards par rapport au trimestre précédent. Sur le seul premier semestre 2025, l’augmentation cumulée s’élève à 111,1 milliards d’euros.


La dette nette, qui prend en compte la trésorerie des administrations, s’établit à 107,3 % du PIB, contre 106,1 % trois mois plus tôt. Si cette légère amélioration résulte d’une hausse ponctuelle de trésorerie publique, elle ne masque pas la dérive structurelle des finances françaises.


Le déficit, prévu à 4,4 % du PIB pour 2025 par le gouvernement, reste supérieur aux objectifs européens fixés à 3 %. La Cour des comptes juge ce scénario trop optimiste et souligne que l’amélioration affichée repose essentiellement sur des mesures fiscales temporaires plutôt que sur une véritable maîtrise des dépenses.


La dérive budgétaire : une dynamique ancienne mais aggravée


La France fait face à une détérioration continue de ses finances publiques depuis 2023. Le déficit de 2024, à 6 % du PIB, a dépassé de 1,6 point la cible initialement inscrite dans la loi de finances, malgré la fin progressive des mesures exceptionnelles liées à la pandémie et à la crise énergétique.


Les charges d’intérêt constituent désormais une menace majeure pour la soutenabilité de la dette. Elles atteignent 59 milliards d’euros début 2025, un niveau inédit depuis vingt ans. Selon les projections de la Cour des comptes, ce poste pourrait représenter 107 milliards d’euros en 2029, soit 3,2 points de PIB, dépassant les dépenses d’éducation nationale et devenant ainsi le premier poste budgétaire de l’État.


Cette dynamique traduit la sensibilité extrême du budget français à l’environnement de taux. Le refinancement de la dette, désormais réalisé à des conditions nettement moins favorables, accentue la spirale d’endettement.


Une dépense publique rigide et mal maîtrisée


Le cœur du problème réside dans la progression structurelle des dépenses publiques. En 2024, celles-ci ont augmenté de 2,7 % en volume, c’est-à-dire au-delà de l’inflation. Il s’agit du rythme le plus rapide des quinze dernières années.


Les dépenses des collectivités territoriales ont progressé de 3,6 %, traduisant des tensions budgétaires locales et un contrôle insuffisant des coûts de fonctionnement.Les prestations sociales, quant à elles, ont bondi de 3,1 %, en raison de leur indexation automatique sur l’inflation de 2023. Ce mécanisme, s’il protège le pouvoir d’achat, enferme les finances publiques dans une rigidité quasi mécanique.


La Cour des comptes parle d’une perte de contrôle du cœur de la dépense publique. Les salaires publics, les retraites, les transferts sociaux et les dépenses locales continuent de croître à un rythme incompatible avec les exigences de stabilisation.


La France à la traîne en Europe


Comparée à ses partenaires, la France affiche une position préoccupante. Avec un déficit de 5,4 % du PIB, elle se situe loin derrière l’Allemagne (-2 %), l’Italie (-2 %) ou l’Espagne (-2,6 %), et à des années-lumière du surplus danois (+2,9 %) ou de l’Irlande (+1,2 %).


La moyenne de la zone euro s’établit à -2,7 %, tandis que l’Union européenne dans son ensemble affiche -2,9 %.La France apparaît ainsi comme l’un des pays les plus déséquilibrés du continent, au même niveau que la Belgique (-4,9 %) et bien au-delà de la Pologne (-8,5 %) ou de la Roumanie (-8,7 %), où les déficits s’expliquent par des économies en développement.


Cette situation fragilise la crédibilité française auprès de ses partenaires et des marchés. L’engagement pris auprès de la Commission européenne en 2024 – ramener le déficit sous 3 % du PIB en 2027 – a déjà été repoussé à 2029, signe d’une incapacité à respecter le calendrier initial de redressement.


Une stratégie budgétaire sous tension


La stratégie du gouvernement repose principalement sur de nouvelles recettes fiscales. La réduction de 0,6 point de déficit prévue en 2025 dépend quasi exclusivement d’augmentations d’impôts et de prélèvements temporaires. Cette méthode diffère d’un redressement structurel, qui impliquerait une réduction durable des dépenses publiques.


Les marges de manœuvre budgétaires sont limitées. La croissance économique, même dans ses hypothèses les plus favorables, ne suffira pas à absorber la dynamique d’endettement. Les leviers fiscaux, déjà parmi les plus élevés d’Europe, laissent peu d’espace sans effets négatifs sur l’investissement ou le pouvoir d’achat.


L’effort de redressement doit donc reposer sur une réforme structurelle : rationalisation des dépenses de l’État, révision des mécanismes d’indexation des prestations sociales, amélioration de l’efficience du service public et poursuite de la réforme des retraites.


Les risques à court et moyen terme


L’année 2025 est déterminante. Si la France ne parvient pas à respecter sa trajectoire de réduction du déficit, elle pourrait perdre la confiance des agences de notation et voir sa dette souveraine dégradée.

Un tel scénario renchérirait encore le coût du financement, alimentant la spirale déficitaire.


À moyen terme, le risque le plus sérieux est celui d’un effet boule de neige : la hausse des taux accroît le coût de la dette, ce qui détériore le solde budgétaire, entraînant une perte de crédibilité, puis une hausse supplémentaire des taux.


Le maintien de déficits structurels élevés fragiliserait aussi la position de la France dans la zone euro, notamment si d’autres États parviennent à stabiliser plus rapidement leurs comptes publics.


Vigilance et anticipation


Pour les professionnels du patrimoine, cette situation impose une lecture attentive des signaux macroéconomiques. L’évolution des taux des obligations assimilables du Trésor (OAT), la position des agences de notation et les décisions européennes sur la surveillance budgétaire doivent être intégrées dans toute stratégie patrimoniale.


Les risques de hausse d’impôt, de réforme de la fiscalité du capital ou d’ajustement du régime des retraites doivent être anticipés. Dans un environnement où la dépense publique reste structurellement élevée, la pression fiscale sur les ménages et les entreprises demeure une variable d’ajustement probable.


L’objectif pour investisseurs est de protéger les portefeuilles contre la dépréciation liée à la dette publique, tout en profitant des opportunités offertes par un éventuel resserrement budgétaire futur.


Conclusion


La France aborde 2026 dans une position fragile mais encore réversible. L’enjeu n’est plus seulement de réduire le déficit, mais de rétablir la confiance : celle des marchés, des institutions européennes et des citoyens. Cela suppose un effort de transparence, de cohérence et de discipline budgétaire.


Le redressement ne passera ni par des hausses d’impôts temporaires, ni par des artifices comptables, mais par une réforme structurelle profonde de la dépense publique. La soutenabilité de la dette française n’est pas qu’un enjeu technique : elle conditionne la souveraineté économique et la stabilité patrimoniale du pays.


Les années 2025 et 2026 seront décisives. De la rigueur des décisions à venir dépendra la capacité de la France à préserver son modèle social sans compromettre son avenir budgétaire.

 
 
 

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