NOUVELLE ESCALADE TARIFAIRE SINO-AMÉRICAINE : IMPACTS SUR LES MARCHÉS ET SUR LA GESTION DE PATRIMOINE
- MS Patrimoine & Conseil
- 13 oct.
- 4 min de lecture

Le 10 octobre 2025, l’administration Trump a annoncé l’imposition de droits de douane supplémentaires de 100 % sur l’ensemble des marchandises chinoises, applicables dès le 1er novembre ou avant. Cette décision s’ajoute aux 30 % déjà en vigueur depuis mai et marque un tournant majeur de l'escalade tarifaire sino-américaine. Pour les investisseurs et les familles patrimoniales, l’événement impose une réévaluation rapide des allocations, du risque inflationniste et des couvertures de change, ainsi que des scénarios macroéconomiques à moyen terme.
Contexte et déclencheurs
L’escalade est une réponse aux contrôles renforcés décidés par Pékin sur l’exportation de technologies liées aux terres rares, dont la Chine est l’acteur dominant. Ces matériaux sont essentiels à des filières stratégiques comme l’aéronautique, les systèmes radar, les véhicules électriques et l’électronique grand public. Elle met fin prématurément à une trêve commerciale qui devait courir jusqu’au 10 novembre et qui avait permis un abaissement temporaire des droits réciproques. Dans ce climat tendu, la Maison-Blanche a qualifié la posture chinoise d’extraordinairement agressive et Donald Trump a même évoqué l’annulation de sa rencontre prévue avec Xi Jinping fin octobre en Corée du Sud.
Architecture des mesures
Le nouveau dispositif ne remplace pas les tarifs existants, il s’y additionne. Aux 30 % déjà appliqués à l’ensemble des produits chinois s’ajoutent désormais 100 % supplémentaires, le tout pouvant se cumuler avec des taux sectoriels propres à l’acier, l’aluminium, le cuivre, le pharmaceutique ou l’ameublement. Dans plusieurs chaînes de valeur, le tarif effectif pourrait mécaniquement atteindre entre 150 % et 200 %. En parallèle, Washington annonce des restrictions sur l’exportation de logiciels dits stratégiques vers la Chine, vraisemblablement ceux utilisés dans la conception de microprocesseurs. L’ensemble produit une pression immédiate sur les coûts d’importation, les marges industrielles et les plans d’investissement.
Réaction des marchés
La réponse des indices américains a été brutale. Le 10 octobre, le Dow Jones a reculé de 1,90 %, le S&P 500 de 2,71 % et le Nasdaq de 3,56 %. La surpondération des valeurs technologiques dans le Nasdaq a accentué la baisse, ces entreprises étant très dépendantes des composants et de la production asiatiques. Les marchés asiatiques ont également vacillé. Fait notable, les exportations chinoises vers les États-Unis avaient progressé de 8,6 % en septembre par rapport à août, signe de résilience avant l’annonce américaine. Cette dynamique est désormais menacée. Un ton plus conciliant de Washington le dimanche suivant a toutefois atténué une partie de la nervosité, illustrant la volatilité qui pourrait dominer les prochaines semaines.
Conséquences macrofinancières
L’empilement tarifaire est intrinsèquement inflationniste. La hausse des coûts à l’importation peut se diffuser aux prix de détail, ce qui complique la tâche des banques centrales et pèse sur les obligations longues si les taux directeurs doivent rester élevés plus longtemps. Les chaînes d’approvisionnement globales subissent une nouvelle perturbation, avec un risque accru de retards logistiques et de coûts de relocalisation. La visibilité des entreprises se réduit, ce qui peut freiner les investissements et accroître la prime de risque sur certaines industries.
Implications pour la gestion de patrimoine
Dans les portefeuilles diversifiés, le réglage de la sensibilité aux taux devient central. Une duration obligataire plus courte limite l’impact d’une éventuelle remontée des rendements, tandis que les obligations indexées sur l’inflation peuvent contribuer à préserver le pouvoir d’achat. Sur la poche actions, la sélectivité s’impose. Les valeurs les plus exposées aux chaînes d’approvisionnement chinoises voient leurs marges sous pression, à l’inverse des entreprises capables de diversifier leurs sources d’approvisionnement ou de répercuter les surcoûts. Une attention particulière doit être portée aux bilans, à la capacité de fixation des prix et à la visibilité sur les carnets de commandes.
La question du change redevient structurante. Dans un environnement d’incertitude géopolitique, le dollar tend à jouer son rôle de valeur refuge, tandis que le yuan peut subir des pressions en cas de ralentissement domestique. Pour un investisseur européen, la volatilité de l’EUR USD justifie d’évaluer rigoureusement l’opportunité de couvertures de change, en arbitrant entre coût et protection.
Terres rares et matières premières stratégiques
Le nœud du différend porte sur des intrants critiques pour la transition énergétique et les technologies avancées. Au-delà du choc conjoncturel, la dépendance mondiale aux capacités chinoises de production et de raffinage crée un enjeu structurel. Des thèmes d’investissement émergent autour de la sécurisation des approvisionnements : projets miniers hors de Chine, acteurs du recyclage des terres rares, innovations de substitution. Insérés avec discernement, ces thèmes peuvent apporter diversification et potentiel de prime de rareté dans les allocations de long terme.
Perspectives et zones d’incertitude
La communication américaine alterne signaux d’escalade et messages d’apaisement, ce qui entretient une volatilité élevée et réduit la prévisibilité. La tenue effective d’une rencontre bilatérale de haut niveau reste incertaine et pourrait déclencher des mouvements de marché rapides dans un sens comme dans l’autre. Les entreprises accélèrent déjà la reconfiguration de leurs chaînes de valeur en Asie du Sud-Est ou via des rapatriements partiels, un processus coûteux à court terme mais potentiellement créateur d’avantages compétitifs durables.
Cap de gestion recommandé
Dans cet environnement, plusieurs principes permettent de conserver l’initiative. Il est pertinent de préserver une poche de liquidités supérieure à la normale pour absorber les chocs et saisir les décotes ponctuelles sur des actifs de qualité. Il est prudent d’ancrer la poche obligataire sur des durations courtes et d’examiner une exposition aux titres indexés sur l’inflation. Il est utile de renforcer la sélectivité actions en privilégiant les modèles d’affaires résilients, la diversification des approvisionnements et la capacité de fixation des prix. Il est pertinent d’étudier des expositions mesurées aux actifs réels de qualité comme l’immobilier bien situé, certaines infrastructures et, de façon thématique et maîtrisée, les matières premières stratégiques. Il est enfin essentiel d’étalonner précisément les couvertures de change pour neutraliser des mouvements adverses sans alourdir excessivement les coûts.
Conclusion
L’augmentation soudaine des droits de douane américains sur les produits chinois redessine l’équation des risques pour les marchés et pour les patrimoines. Entre pression inflationniste, tensions sur les chaînes d’approvisionnement et volatilité politique, la priorité est de conserver des plans de portefeuille flexibles, liquides et réversibles. Une allocation disciplinée, des scénarios de marché régulièrement mis à jour et une exécution agile offrent le meilleur cadre pour protéger le capital et capter les opportunités qui naissent des dislocations. Dans un cycle où la géopolitique influence directement les prix et les marges, la préparation vaut mieux que la prédiction.




Commentaires