QUAND LA FLAT TAX SE GRIPPE : VERS UNE TAXATION RENFORCEE DES REVENUS DE CAPITAL
- MS Patrimoine & Conseil
- 1 oct.
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L’un des épineux débats de la loi de finances 2026 porte sur la remise en question du régime fiscal appliqué aux revenus du capital. Depuis sa création en 2018, le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), ou « flat tax », à 30 % est devenu une pierre angulaire de la fiscalité patrimoniale. Mais aujourd’hui, face à l’urgence budgétaire et aux revendications d’équité fiscale, certains parlementaires entendent relever ce taux et les conséquences pour les épargnants et investisseurs pourraient être profondes.
Pourquoi une remise en cause maintenant ?
L’instauration du PFU avait coûté entre 1,4 et 1,7 milliard d’euros en recettes fiscales perdues pour l’État. Si son objectif affiché était de favoriser l’investissement et de rapatrier des capitaux, l’INSEE a montré dès 2019 que les 10 % des ménages les plus aisés concentraient la majorité du gain.
Aujourd’hui, le gouvernement cherche à corriger le tir. Trois raisons principales expliquent le retour du débat :
Un déficit public élevé : attendu à 5,4 % du PIB en 2025, il place la France sous la surveillance accrue de Bruxelles et des marchés financiers.
Une recherche d’équité : la taxation forfaitaire du capital est jugée trop favorable aux hauts revenus, surtout comparée à l’impôt progressif sur le travail.
Un besoin de recettes rapides : le rendement fiscal d’une hausse de trois points est estimé à plus d’un milliard d’euros par an.
Trois scénarios sur la table
33 % : le scénario avancé
Le Sénat a déjà voté une hausse du PFU de 30 % à 33 %. C’est aujourd’hui l’option la plus crédible, même si le texte doit encore franchir l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel.
35 % : une piste ciblée
Certains amendements visent un relèvement spécifique, notamment sur les dividendes exceptionnels (les « superdividendes »), afin de taxer davantage les entreprises versant des profits records.
36 % : l’hypothèse radicale
Selon des sources proches de Matignon, une extension à 36 % est étudiée en interne. Rien d’officiel, mais cette rumeur illustre la pression budgétaire et la volonté d’explorer toutes les options. Si elle se confirmait, il s’agirait d’un véritable tournant fiscal.
Quels impacts patrimoniaux concrets ?
La hausse du PFU ne doit pas être lue uniquement comme une variation de taux. Elle recompose en profondeur l’équilibre patrimonial.
Trois dynamiques principales se dégagent :
Un rendement net fragilisé : les revenus distribués (dividendes, coupons, intérêts) deviennent moins compétitifs face aux stratégies de capitalisation. La logique d’investissement long terme est renforcée au détriment de la recherche de flux immédiats.
Un avantage accru pour les enveloppes protégées : PEA, assurance-vie ancienne et livrets réglementés consolident leur statut de piliers fiscaux. Plus que jamais, la gestion de patrimoine devra se construire autour de ces abris pour compenser l’érosion des supports fiscalisés.
Un possible rééquilibrage entre classes d’actifs : l’immobilier, qu’il soit détenu en direct ou via des véhicules collectifs, pourrait regagner en attractivité relative face aux placements financiers soumis au PFU.
En filigrane, c’est la structure même des portefeuilles qui se trouve questionnée. L’investisseur ne peut plus se contenter de rechercher du rendement brut : il doit raisonner en rendement net d’impôt et intégrer la fiscalité comme un critère déterminant au même titre que le risque et la liquidité.
Quelles pistes concrètes pour les investisseurs ?
Au-delà des principes, certaines orientations pratiques méritent d’être envisagées :
Sécuriser l’existant : évaluer les portefeuilles soumis au PFU et arbitrer les plus-values latentes avant la mise en œuvre de la réforme.
Exploiter le différé fiscal : privilégier des véhicules de capitalisation (assurance-vie multisupports, capitalisation, PEA, OPCVM capitalisants) pour reporter l’imposition et maximiser l’effet de la capitalisation brute.
Diversifier les sources de rendement : équilibrer entre actifs soumis au PFU et actifs bénéficiant de régimes spécifiques (immobilier locatif, SCPI fiscales, dispositifs défiscalisants).
Anticiper la transmission : mettre en place des stratégies de démembrement, donations ciblées ou structuration via holding, pour préparer la génération suivante tout en optimisant la fiscalité sur la durée.
Introduire la dimension européenne : comparer avec les régimes voisins (Luxembourg, Belgique, Italie), ce qui peut ouvrir des solutions de diversification géographique et juridique pour les patrimoines les plus importants.
Conclusion
L’augmentation du PFU, qu’elle s’arrête à 33 % ou qu’elle grimpe à 36 %, est bien plus qu’une hausse de taux : c’est un rappel que la fiscalité du capital n’est jamais figée. Elle force à dépasser la logique de produit pour entrer dans une logique d’ingénierie patrimoniale intégrée.
Le particulier qui se contente d’investir « en produit » subira mécaniquement la baisse de rendement. Celui qui réfléchit en termes de structure, temporalité et transmission pourra au contraire tirer parti de cette contrainte pour renforcer la solidité et la cohérence de son patrimoine.
La gestion de patrimoine ne consiste pas à courir après le meilleur rendement du moment, mais à bâtir une architecture qui résiste aux cycles fiscaux, économiques et politiques. La réforme du PFU en est une nouvelle démonstration.




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